Automne et santé émotionnelle
Automne et santé émotionnelle

Automne et santé émotionnelle

Pourquoi parler de santé émotionnelle ? Bien qu’une des huit branches de l’āyurveda concerne le traitement des maladies invisibles et autres influences sur l’esprit (Bhūta vidya, que l’on a traduit par Psychologie ayurvédique), la vision de l’āyurveda sur la santé tout entière inclut un bien-être physique, mais aussi énergétique, émotionnel, intellectuel et spirituel.
 

Selon Suśruta (un des premiers chirurgiens en Ayurvéda), la santé résulte de l’équilibre des trois doshas, de l’équilibre des feux biologiques (agni), de l’équilibre des tissus qui constituent le corps, de la bonne évacuation des déchets du corps et de la clarté du mental, des sens et de l’âme.

« Sama doṣaḥ sama agniśa sama dhātu mala kriyāḥ|
Prasanna ātma indriya manaḥ swastha iti abhidhīyate » – Suśruta Saṃhitā

Même quand on parle de rééquilibrer les doṣas, on rééquilibre le mental émotionnel. Même quand on parle de régulation du sommeil, de régime alimentaire ou d’activité physique, ce n’est pas seulement le corps physique que l’on rééquilibre mais aussi le corps énergétique et le corps mental.
Bien sûr, ces cinq corps s’influencent les uns, les autres. Le corps émotionnel et mental étant central, il peut non seulement perturber les corps physique et énergétique mais aussi bloquer les corps intellectuel et de béatitude.

Image représentant les 5 couches du corps en Ayurveda

Autrement dit, tout déséquilibre a tendance à se manifester sur les cinq corps. Parler de maladie psychosomatique ou se demander si un déséquilibre a pour origine l’émotionnel ou non n’a pas grand sens en āyurvéda puisque le déséquilibre physique est forcément aussi énergétique, émotionnel, intellectuel et spirituel.

Qu’est-ce qu’une émotion selon l’āyurveda et où naît-elle ?

Une émotion se dit Rasa en sanskrit ce qui signifie aussi liquide nourricier, plasma, lymphe, ou encore goût.
C’est pourquoi les émotions sont souvent comparées à de l’eau qui doit circuler en nous et sur lesquelles on peut « surfer ».

En āyurvéda, le mental émotionnel (appelé Manas en sanskrit) circule partout dans le corps à travers des canaux (mano vaha śrotas) mais prend son origine dans le cœur.

La structure psychique selon l’ayurveda est une description poussée qui mérite d’être explorée plus en profondeur mais ce n’est pas l’objet de cet article.

« Le bien-être mental, c’est être heureux, avec l’âme, le mental et les sens qui travaillent ensemble pour atteindre la béatitude. » Dr Aramya, BAMS

On dit que Manas a trois états possibles :

  • Sattva : la clarté, la paix de l’esprit, l’harmonie, la justesse, l’éveil…
  • Rajas : la transformation, le mouvement, les élans émotionnels, les rêves, les passions…
  • Tamas : l’ignorance, l’obscurité, le désintérêt, le sommeil, la destruction

On compare ces trois états aux trois parties d’un Lotus.

Image représentant un lotus avec des explications pour Sattva Rajas et Tamas

On dit que les émotions désagréables (peur, colère, tristesse) naissent dans un état de rajas.
Quand elles deviennent destructrices, elles sont gouvernées par tamas et quand elles sont transmutées, elles deviennent sattviques.

Une émotion est neutre, c’est une messagère. Elle n’est donc ni positive, ni négative.
Elle vient nous indiquer que quelque chose d’inconscient (tamas) demande à être mis en lumière (sattva).
Les refouler, les ignorer ou les considérer comme un problème est ce qui cause le déséquilibre.

C’est la manière de la vivre et de l’exprimer qui peut devenir pathologique. On parle alors d’ama (toxines) émotionnel ou de poisons de l’esprit.

Que se passe-t-il à l’arrivée de l’automne ?

Selon l’āyurveda, une des causes majeures de déséquilibre pour notre santé sont les changements de saison. Cette période de transition appelée Sandhi en sanskrit (jonction, transition, intersection, articulation) représente un temps d’instabilité, comme quand on passe d’une plateforme à une autre.

Pendant un instant, notre poids n’est plus vraiment sur la première plateforme mais pas encore sur la suivante. Nous sommes dans un entre-deux instable et fragile qui peut vite nous faire perdre l’équilibre si notre attention est trop sollicitée vers l’extérieur.

Comme tout changement, un changement de saison est gouverné par le doṣa Vāta, énergie composée d’air et d’éther qui régit le mouvement, la respiration, la communication, l’expression et qui, par son instabilité, permet le changement.

Ce doṣa est particulièrement présent à l’arrivée de l’automne car c’est lui qui gouverne cette saison par ses qualités froides et sèches.

Les personnes à dominance de ce doṣa (soit en constitution de naissance, soit en déséquilibre, soit par un âge avancé) vont donc être particulièrement sensibles à cette transition saisonnière.

Dans le corps, cela se manifeste par de la sécheresse, de la frilosité, une perte de poids, de la constipation ou encore des difficultés à trouver le sommeil.

Dans l’esprit, Vāta va générer de l’agitation mentale, de la peur, un sentiment d’insécurité et le manque de confiance en soi.
On peut vite se sentir débordé par les événements, être pris dans le tourbillon de la rentrée et ajouter dix nouvelles activités à notre emploi du temps déjà bien rempli (Vāta a tendance à nous disperser) !

Quand on parle de santé émotionnelle, ce n’est pas l’émotion que l’on traite ; cela reviendrait à faire de la médecine symptomatique ; mais bien la cause de l’émotion désagréable. La plupart du temps, cette cause n’est autre qu’un besoin non rempli.

Si Vāta s’aggrave et que de l’anxiété ou de la peur se manifeste, c’est que certains besoins ne sont pas remplis dans l’instant : besoin de stabilité, de sécurité, de soutien, de repos, de chaleur, de douceur…

Donc comment favoriser une bonne santé émotionnelle (mais aussi physique, énergétique, intellectuelle et spirituelle) en automne ?

Apporter des qualités qui apaisent le doṣa Vāta : la chaleur, l’onctuosité/le gras, la stabilité, la lourdeur, la lenteur, …

Dans l’alimentation :

  • des plats chauds et cuits, denses mais faciles à digérer,
  • un peu de protéines animales
  • des légumes racines
  • des céréales
  • des épices douces comme le gingembre, le cumin, le fenouil ou encore la cannelle
  • Des boissons chaudes sans théine et sans caféine (le thé et le café ont tendance à assécher le corps et l’esprit et à exciter le système nerveux).

Dans la routine de vie :

  • De la régularité dans l’heure des repas, l’heure du coucher et du lever
  • Des nuits plus longues (le besoin de sommeil augmente à l’arrivée de l’automne)
  • Des massages à l’huile chaude avant la douche, avant le coucher ou avant de pratiquer une activité physique (particulièrement le cuir chevelu et les pieds) avec de l’huile de sésame ou d’amande.
  • Une activité physique douce et régénérante (yoga, renforcement musculaire, pilate)
  • L’application d’huile dans les narines, dans les oreilles et le bain de bouche à l’huile
  • La respiration consciente : bhrāmarī prāṇāyāma (respiration de l’abeille), anuloma viloma (respiration nasale alternée), respiration abdominale
  • Des plantes régénérantes pour le système nerveux (consultez un professionnel pour des conseils personnalisés en phytothérapie āyurvédique)

Dans les activités :

  • Ralentir le rythme, prévoir des temps de repos et de centrage
  • Se concentrer sur ce qui est le plus important pour éviter de s’éparpiller
  • Éviter l’excès de voyage, de transport en général et les lieux très stimulants pour les sens (lieux bondés, bruyants, lumières artificielles)
  • Se faire masser régulièrement (massage abhyanga, soin Shirodhara)
  • Pratiquer une activité créative pour laisser Vāta s’exprimer

Dans l’hygiène mentale :

  • Écrire régulièrement pour se vider la tête et prendre de la distance avec les inquiétudes du quotidien
  • S’entourer de couleurs chaudes, douces et apaisantes (alimentation, vêtements, décoration, visualisation)
  • Réciter des mantras appropriés pour calmer Vāta : Rām, Lām, mantras à Gaṇeśa, à la mère divine, à la Terre
  • Écouter des musiques apaisantes, ancrantes et « nourrissantes »
  • Se créer un cercle de soutien familial et amical, Vāta est très apaisé par le toucher, par le fait de se sentir enveloppé, entouré et soutenu
  • Se connecter à nos émotions, les laisser circuler en nous et s’évacuer pour éviter la création de toxines émotionnelles qui bloquent Vāta et favorisent l’anxiété.
  • Laisser ces émotions nous délivrer leurs messages et notamment le besoin qui n’est pas rempli en nous (sécurité, soutien, réconfort, chaleur…)
  • Être au contact de l’élément terre et de l’élément eau

Comme on peut le voir, l’āyurveda a de nombreux outils pour nous permettre de vivre plus en harmonie sur tous les plans de l’être. Je vous conseille de choisir un ou deux points de cette liste et de les intégrer progressivement à votre routine. Vāta a tendance à nous inciter à aller vite, à essayer plein de choses à la fois… mais ne nous aide pas à les maintenir dans le temps. Or, ce qui fait la différence en santé holistique, ce sont les petits actes du quotidien, ce sont eux qui créent de grands changements.

Passez un doux automne avec l’āyurveda et prenez soin de vous et de tous vos corps avec attention et conscience.

Photo de l'auteure de l'article, Manon Moulène

Manon Moulène

Praticienne en Ayurveda et en santé émotionnelle.

www.manonmoulene.com | Instagram : @manonisorropia | Facebook : @Isorropia – ayurvéda

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