Favoriser le sommeil
Favoriser le sommeil

Favoriser le sommeil

On se plaint toujours de dormir trop ou pas assez, comme si le temps était la seule mesure du sommeil. Pourtant, nous voyons bien qu’indépendamment des heures que nous passons au lit, notre nuit peut être plus ou moins réparatrice, plus ou moins agitée, plus ou moins consciente, plus ou moins plaisante. En science moderne il existe de nombreuses mesures du sommeil, liées à la respiration, aux mouvements des yeux, etc. En ayurveda, ce sont bien sûr les attributs (guna) que nous allons observer : est-ce que le sommeil est lourd ou léger, est-ce que pendant la nuit on a chaud ou froid, est-ce que le corps est mobile ou stable... En cas de troubles du sommeil on va passer par tout ce processus d’investigation, mais il existe une question très simple, que l’on pourrait se poser chaque matin, pour évaluer la qualité de notre sommeil. Cette question est la suivante : est-ce que je me sens reposé ?

UN SOMMEIL Régénérateur

Combien de personnes disent avoir besoin d’un café pour commencer la journée ? Est-ce que vous-même vous vous sentez oppressé par la sonnerie du réveil ? Ou est-ce qu’à l’inverse vous vous levez avec une énergie fraîche et positive ? Il est possible que si le réveil se passe mal ce soit parce que la quantité de votre sommeil est insuffisante bien-sûr, mais il est aussi possible et courant que, bien que vous ayez dormi plus de sept heures, vous  ne vous sentiez pas reposé. On blâme alors généralement « le cumul » de fatigue, mais ça ne s'accumule pas aussi simplement. Une bonne nuit de sommeil est réparatrice et elle régénère le corps, quel que soit l’historique.

La fonction du sommeil est la régénération. Pendant la journée nous utilisons notre corps physique et subtil, pendant la nuit il se recharge, comme une batterie de téléphone mais avec des fonctions extraordinaires de réparation et d'harmonisation. À tous les niveaux de notre être le sommeil opère un travail d’auto-guérison, par exemple la peau, les muscles, les hormones, le système nerveux bien-sûr, ou encore les mémoires qui sont traitées dans les rêves. Selon ce texte classique de l’Ayurveda, le Carakasamhita, « Le bonheur, le malheur, la corpulence et la maigreur, la force et la faiblesse, la virilité et l’impuissance, la connaissance et la nescience, la vie et son absence dépendent du sommeil. » CS, Su. 21:52

LE SOMMEIL : ÉLÉMENT INDISPENSABLE 

Il faut bien comprendre, et garder en mémoire, que de la qualité de notre sommeil ne dépend pas seulement de notre forme le lendemain, mais aussi de notre qualité de vie et notre longévité, notre productivité et notre créativité, notre système immunitaire et notre équilibre hormonal, notre prise ou notre perte de poids, et le plus important, parce que les textes classiques établissent toujours les listes dans un ordre d’importance : le bonheur ! Oui, notre bonheur dépend de la qualité de notre sommeil, et cela nous le savons bien mais nous le négligeons. Nous savons bien que quand on a bien dormi la journée est plus facile et quand on a mal dormi tout nous irrite. Nous savons bien que lorsque nous sommes reposés nous prenons de meilleures décisions et savons les mettre en action. Pourtant, malgré cette connaissance et cette expérience, nous dégradons notre sommeil volontairement en privilégiant des pseudo-plaisirs immédiats.

L'USURE PLUTÔT QUE LE REPOS

Que celui qui n’a jamais passé sa soirée devant Netflix jette la première pierre ! Ce discours est tellement courant que, j’en suis sûre, vous le reconnaitrez : « Je rentre tard et j’ai une seule envie c’est de me poser, alors je dîne et je regarde un film. » C’est la norme, c’est bien ce que notre société a créé comme modèle. Pourtant, dans cette proposition il y a trois causes de dégradation du sommeil et donc de dégradation de notre vie. En croyant avoir fait le choix du repos, on fait le choix de l’usure. Effectivement, pendant que l’on est sur le canapé on a l’impression d’avoir enfin lâcher-prise et de ne plus être actif, nous ressentons un pseudo-plaisir immédiat. Mais pendant ces deux heures, nos émotions sont stimulées, notre digestion est perturbée par ces émotions, la lumière de l’écran dégrade la production de mélatonine et notre compréhension des cycles de sommeil, notre mémoire enregistre des événements qui ne lui appartiennent pas et qu’elle devra traiter dans le sommeil, etc. Nous continuons en fait à nous stimuler, nous subissons un stress de manière passive.

RECHERCHER LA BONNE PASSIVITÉ 

Le véritable repos est effectivement la passivité, mais la passivité de nos sens. Nos cinq sens de perception sont les portes d’entrée de l’extérieur vers notre intérieur. Toutes les informations reçues à travers l’ouïe, le toucher, la vue, l’odorat ou le goût sont traitées par notre cognition. Notre mental reste non seulement actif pendant que notre corps végète sur le canapé, mais en plus il est hyper stimulé par des lumières brutales, des sons explosifs, et des sentiments exacerbés. Tout ceci, bien loin de nous reposer, s’accumule avec le stress de la journée et aura un impact très fort sur la qualité de notre sommeil. Pourtant, nous savons bien que la préparation du sommeil est importante, puisque nous prenons soin de mettre en place des rituels pour les enfants. Mais c’est comme si pour nous on avait abandonné.

On en est bien là, nous subissons notre sommeil comme si la fatalité décidait de notre repos et de nos insomnies. Mais ce que nous enseigne les Traditions de l’Inde et particulièrement l’ayurveda, c’est que nos actions ont des conséquences, et bien que nous ne soyons pas responsables individuellement de tout, nous avons la liberté de créer ou non des conditions favorables à notre épanouissement. Préparer sa nuit est la condition sine qua none d’une qualité de sommeil réparatrice. Il faut garder en tête que le sentiment avec lequel on s’endort est le sentiment dans lequel on va baigner toute la nuit. Ici aussi, on peut le choisir ou le subir. Comment fait-on pour choisir ses sentiments ? En n’absorbant pas ceux des autres à travers un écran et en intégrant une pratique, un rituel et même une prière si la forme vous plaît. La méthode la plus universelle est la gratitude : chaque soir, en fermant les yeux, listez les choses pour lesquelles vous êtes reconnaissant et plongez dans ce sentiment. Avant ce dernier moment, pour atténuer les mouvements de notre mental et faciliter cette décision de notre sentiment, nous allons, petit à petit, transitionner du mode actif de la journée vers le mode passif de la nuit, petit à petit nous allons diminuer l’activité de nos sens, petit à petit nous allons réduire les stimulations extérieures, et petit à petit nous allons diriger notre conscience vers l’intérieur. Chaque personne va trouver le rituel qui lui convient en fonction de son expérience et de son analyse, mais voici une piste générale pour favoriser un endormissement serein et une nuit régénératrice : après un temps calme avec son entourage ou avec un livre, on peut faire quelques étirements pour libérer les tensions du corps, puis en prenant soin de réduire la lumière artificielle, peut-être même en allumant une bougie, on peut prendre quelques respirations douces et profondes pour libérer nos émotions, puis rester dans ce silence pour y contempler les sensations agréables qu’ont généré ces pratiques dans notre corps physique et subtil.

PERPÉTUER LE BIEN-ÊTRE DURABLE 

Au réveil, il est probable qu’on remarque que ces douces sensations sont encore présentes. On peut alors répéter ce cercle vertueux pour commencer la journée et maintenir cet état au fil du temps. Ou alors, on peut commencer sa journée en critiquant les filles d’Instagram et en courant après le temps, c’est aussi un choix. Un cercle vertueux s’entretient, plus on pratique plus ça devient facile. C’est vrai qu’il est difficile de changer ses habitudes, surtout lorsqu’elles influencent celles de notre entourage. Mais ce bien que l’on se fait en privilégiant la véritable relaxation le soir est un bien qui se propage aussi sur notre entourage, puisque nous sommes plus détendus, plus doux et plus créatifs. Nous sommes aussi moins malades quand nous dormons mieux et nous favorisons une longévité sereine. J’aimerais ne pas finir sur cette note mais elle est trop importante pour ne pas être mise en valeur : le sommeil est le facteur essentiel des maladies dégénératives comme Alzheimer et Parkinson, son manque peut les causer et les aggrave, sa récupération peut les atténuer et les ralentir.

ALLER PLUS LOIN 

Il y encore bien d’autres points qui mériteraient d’être abordés pour comprendre notre sommeil et ses troubles. Ce serait par exemple la nutrition, car les dîners lourds ou tardifs sont très souvent la cause des troubles du sommeil et des cauchemars. Ce serait aussi la phytothérapie, les plantes comme l’ashwagandha et le brahmi offrent une synergie idéale pour la régénération nocturne. Ce serait encore l’automassage, ou même le yoga nidra qui est l’exercice suprême du retour des sens vers l’intérieur. Mais il nous faut bien faire des choix et pour aujourd’hui, celui que je vous propose est de commencer par préparer votre sommeil. Ne dit-on pas : « comme on fait son lit on se couche » ?

Lucie João

Praticienne en Ayurveda

www.ayurveda-auquotidien.com

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