La théorie des six saveurs est l’un des principes fondamentaux de l’Ayurveda.
Cette traduction du monde au travers des saveurs, peut paraitre de prime abord quelque peu déroutante pour un esprit cartésien. En réalité elle permet de comprendre quels sont les aliments qui nous sont bénéfiques ou néfastes pour rééquilibrer nos doshas.
Le thérapeute ayurvédique établit son diagnostic sur la base des trois humeurs biologiques « doshas » dont on parle régulièrement dans ces colonnes. Il va préconiser un traitement en fonction des six saveurs qui sont le sucré, l’acide, le salé, le piquant, l’amer et l’astringent. Bien évidemment, il déterminera au préalable quelle est votre constitution ayurvédique et quels sont les doshas à augmenter ou à diminuer selon les maux dont vous souffrez. Je rédige ce texte en supposant que tout lecteur du Journal de l’Ayurveda connait sa constitution ayurvédique et que par conséquent il pourra utiliser ce qui va suivre.
Les plantes ont une saveur tout comme les aliments et les minéraux, c’est pourquoi en phytothérapie ayurvédique on indique si la plante préconisée diminue ou augmente tel ou tel dosha. Les saveurs sont nommées « rasas » en Sanscrit, ce qui signifie goût ou essence, elles indiquent l’impact principal qu’exerce chaque plante, aliment ou minéral sur nos sens en fonction de sa saveur. Toute saveur a une énergie chauffante ou rafraichissante qui augmente ou réduit chacun des trois Doshas.
Une saveur se compose de deux des cinq grands éléments : l’Air, l’Espace ou (Ether), le Feu, l’Eau et la Terre. Chaque dosha est augmenté par trois des six saveurs et les trois autres le diminuent.
La saveur sucrée a une énergie froide, elle se compose de Terre et d’Eau, elle diminue Vata et Pitta, augmente Kapha.
La saveur acide a une énergie chaude, elle se compose de Terre et de Feu, elle diminue Vata, augmente Pitta et Kapha.
La saveur salée a une énergie chaude, elle se compose d’Eau et de Feu, elle diminue Vata, augmente Pitta et Kapha.
La saveur piquante a une énergie chaude, elle se compose de Feu et d’Air, elle diminue Kapha, augmente Vata et Pitta.
La saveur amère a une énergie froide, elle se compose d’Air et d’Espace (Ether), elle diminue Pitta et Kapha, augmente Vata.
La saveur astringente a une énergie froide, elle se compose de Terre et d’Air, elle diminue Pitta et Kapha et augmente Vata.
Si l’on classe les saveurs de la plus chaude à la plus froide cela donne l’ordre suivant : piquante, acide, salée, sucrée, astringente, amère.
Les saveurs lourdes font grossir et les légères font maigrir. Le classement de la plus lourde à la plus légère s’établit comme suit : sucrée, salée, astringente, acide, piquante, amère.
Elles se classent également de la plus humide à la plus sèche selon l’ordre suivant : sucrée, salée, acide, astringente, amère, piquante.
Les six saveurs et les trois doshas
Nous avons vu plus haut que chaque dosha est augmenté par trois saveurs et diminué par les trois autres et que chaque saveur se compose de deux des cinq grands éléments. De cette façon il est possible de comprendre en fonction de notre dosha dominant les plantes, aliments et minéraux qui nous sont bénéfiques ou pas. Il existe de nombreuses variations et combinaisons en fonction de votre constitution mais pour chaque dosha les règles générales sont les suivantes :
Vata, l’humeur biologique qui se traduit par l’Air et l’Espace est très augmenté par la saveur amère, les personnes pour lesquels ce doshas est dominant doivent par conséquent éviter de consommer les aliments qui ont ce goût. Les saveurs astringente et piquante augmentent elles aussi Vata. Le salé diminue fortement Vata et en second lieu l’acide et le sucré qui se composent des éléments Terre et Eau.
Pitta est Le dosha qui se traduit par le Feu et l’Eau. Il est très augmenté par les saveurs chauffantes et tout particulièrement par les saveurs acides et dans une moindre mesure par les saveurs piquantes et salées. Les personnes de type Pitta doivent par conséquent consommer en priorité des produits aux saveurs amères mais aussi astringentes et sucrées, elles sont toutes trois rafraîchissantes.
Kapha c’est l’Eau et la Terre. La saveur sucrée l’augmente fortement, les saveurs salées et acides qui se composent également d’Eau et de Terre augmentent également Kapha. La saveur piquante le diminue fortement, les goûts amer et astringent le diminuent également.
Que nous apporte chaque saveur ?
Le sucré nous apporte satisfaction et harmonisation de l’esprit. Il construit et fortifie les tissus corporels. Il est adoucissant, expectorant et légèrement laxatif.
L’acide est stimulant, carminatif et nourrissant. Il augmente tous les tissus à l’exception des tissus reproducteurs qu’il diminue.
Le salé est adoucissant, laxatif et sédatif. En petite quantité il stimule la digestion mais en grande quantité il peut provoquer des vomissements.
Le piquant est un stimulant qui favorise la digestion, le métabolisme et la transpiration. Il neutralise la sensation de froid.
L’amer augmente la légèreté de l’esprit. C’est un reconstituant qui purifie le sang, nettoie et désintoxique l’organisme.
L’astringent arrête les écoulements : hémorragies, transpiration ou diarrhée en excès. Il favorise la guérison des problèmes de peau et des muqueuses.
Valeurs nutritives des saveurs.
Nous avons tous besoin d’une certaine quantité de chacune des six saveurs, mais plus ou moins selon notre constitution ayurvédique. Une saveur en trop grande ou trop petite quantité peut devenir nuisible pour tout type de constitution. Nous consommons tous, en général, une quantité importante de saveur sucrée car sa valeur nutritive est la plus élevée. La saveur acide est modérément nutritive et peut réduire les sécrétions reproductrices. La saveur astringente que l’on retrouve dans la plupart des légumes verts a des propriétés nutritives et notamment en minéraux. La saveur salée apporte également des minéraux mais elle n’est pas très nutritive en elle-même. La saveur piquante est peu nutritive, elle est présente dans les épices et certains légumes épicés comme l’oignon. La saveur amère est la moins savoureuse et très peu nutritive.
Valeurs médicinales des saveurs.
Les saveurs amère et astringente sont les plus utilisées en médecine ayurvédique. Elles servent dans tous les cas graves de fièvres, infections et traumatismes qui mettent la vie en danger. Le piquant a également son utilité lorsqu’il s’agit de stimuler nos réactions défensives. Nous retrouvons couramment ces trois saveurs dans les plantes, elles sont les plus efficaces pour agir rapidement sur toutes les causes d’infections. Les trois autres saveurs acide, sucrée et salée ont une moindre valeur médicinale, elles sont surtout utilisées pour tonifier à long terme.
Aggravation des doshas par excès de saveurs.
Toutes les saveurs en excès aggravent les doshas ce qui par conséquent est néfaste pour notre santé. Nous avons tous besoin de toutes les saveurs, mais dans des proportions très différentes selon notre constitution et toujours avec des limites. Par exemple, on sait que le sel aggrave Kapha et réduit Vata, mais un excès de sel peut aggraver Vata. Cet excès provoque la soif et ride la peau. Chaque saveur a un pouvoir différent d’aggravation des doshas. Le salé, le piquant et l’amertume ont des effets puissants même en petite quantité. Les formes pures des six saveurs aggravent plus fortement les doshas alors que les formes complexes, plus difficiles à assimiler sont donc moins aggravantes. Le sucre raffiné est la forme pure du sucré ; l’alcool de l’acide ; le sel de table du salé ; le piment du piquant ; les amers purs comme la gentiane ; les astringents purs comme les tanins forts.
Chaque organe peut être endommagé par une saveur.
Le sucré en excès forme des mucosités et des toxines, il endommage la rate et le pancréas. L’acide crée de l’acidité, néfaste pour le foie. Le salé provoque de la diarrhée et affaiblit les reins ; le piquant cause des brûlures et des inflammations, il perturbe les poumons ; l’amer augmente le froid et affaiblit le cœur ; l’astringent entraine des contractions et des obstructions qui endommages le côlon. Ne jamais oublier qu’en trop grande quantité une saveur peut endommager le corps entier, il faut donc modérer sa consommation de toute chose.
Les saveurs provoquent des émotions.
Les émotions tout comme les saveurs ont une énergie chaude ou froide. Elles produisent les mêmes effets que les aliments ou les plantes ayant les mêmes qualités énergétiques. L’amour a les mêmes effets que le sucré, il nous nourrit et provoque de l’attachement. Nous sommes épuisés par le chagrin qui a les caractéristiques du goût amer. La peur nous contracte tout comme l’astringent. La colère qui a les mêmes caractéristiques que le goût acide peut endommager le foie tout comme l’alcoolisme. L’avidité entraine les mêmes perturbations physiques que le salé et la haine que le piquant. Une bonne santé ne s’obtient pas uniquement par l’alimentation, la phytothérapie ou autres soins, mais aussi par un bon état psychologique d’où l’importance d’une vie équilibrée.
Le manque d’une des six saveurs peut également aggraver les doshas, tout d’abord les doshas qu’elles réduisent mais également ceux qu’elles aggravent. En occident notre nourriture ne contient pas suffisamment de saveurs amères et piquantes. Le manque de goût amère provoque l’accumulation des toxines, le manque de piquant affaiblit notre digestion, alors que nous consommons trop de sucre et de sel, même les personnes de constitution Vata qui pourtant en ont besoin.
En association, les goûts peuvent avoir une action bénéfique, par exemple l’amer et le piquant sont asséchants et nettoyants. Le piquant, l’acide et le salé réunis stimulent la digestion, le piquant favorise la digestion du sucré alors que le sucré atténue les sensations de brulures du piquant. Le piquant favorise la transpiration alors que l’astringent la supprime et l’amer neutralise l’envie de sucre.
Ces informations peuvent donner des idées pour une cuisine originale, savoureuse et bonne pour la santé.
Source : La santé par l’Ayurvéda du Dr David Frawley.